Concert

Interview : Martin Luminet F’estivada de Rodez

C’est lors du festival F’estivada à Rodez que nous avons rencontré Martin Luminet, artiste montant de la scène française. Vous l’avez peut-être aperçu avec Nagui dans Taratata l’hiver dernier, ou alors écouté ses nombreux EPs, et son album Deuils sorti en 2023. Il revient avec la suite de Deuils, Après Deuils, pour vous en parler….

Vos chansons touchent des sujets sérieux, voire tristes, comment arrive-t-on à embarquer le public, quand on est sur scène avec des thèmes aussi lourds ?

C’est vrai, ce ne sont pas des chansons qui donnent envie de faire la chenille ! Je me suis mis a la musique très tard dans la vie. Il y avait une espèce d’urgence quand j’ai compris que c’était ça ma vie, et qu’il y avait qu’à cet endroit où je me sentais utile à moi-même et utile aux autres. Il y avait une urgence à rattraper le temps perdu, il y avait comme une envie de tout déballer, de vider son sac, et de tout de suite mettre des mots sur ce que je vivais. Souvent on parle des choses les plus intenses, donc c’est sûr que ce ne sont pas des sujets très légers. Mais je crois qu’il existe dans ces thèmes là (le deuil, le deuil amoureux, le deuil sociétal ou le deuil générationnel) quelque chose qui est de l’ordre de l’intimité collective, et qui nous rassemble. Et je sais que parfois je suis un peu galvanisé de voir que dans un film ou une chanson, quelqu’un parle de soi et en fait décrit ma vie, ça me touche et ça me rend heureux. On peut être heureux même si on partage des choses tristes, et je ne pense pas que la tristesse soit une fin en soi. Pour moi la tristesse fait partie du chemin, et l’idée c’est de savoir comment on se relève de tout ça. Mes chansons parlent plus de ce moment de comment on se relève, même quand on pense que tout était fait pour qu’on s’effondre.

D’ailleurs ça me fait penser un peu aux fleurs du mal de Baudelaire…

Oui, un peu, et surtout si on voit le monde seulement du côté heureux, c’est comme si on vivait avec un œil dans le dos. La richesse est aussi dans le fait de voir les choses un peu sombres qui nous traversent.

Crédits photos : Christophe HARTER

On peut faire un lien avec Mika, qui passe aussi sur la scène du F’estivada. Il a parfois des textes un peu piquants, lourds, et une musique qui fait danser tout le monde !

Oui, et moi je fais partie de cette philosophie, on est capable de pleurer en dansant, on est capable de danser sur des sujets importants, sur des sujets qui nous éveillent la conscience. Mika a ça, Hervé a ça aussi. Donc je me sens assez heureux, qu’il y ait une scène pour ça, et qu’il y ait un public qui vienne. On n’est pas obligé de chanter en mode fleur bleue pour remplir des salles, on peut parler de choses très profondes.

C’est grâce à l’émission Taratata que vous avez réellement fait la connaissance de Gaëtan Roussel, le chanteur de Louise Attaque, et à suite de l’émission, vous avez partagé la scène de la Cigale. Est-ce que depuis, vous vous êtes revus pour travailler ensemble ?

Oui, j’étais avec lui début juillet ! On s’est rencontré à Taratata, et on a eu un coup de cœur mutuel. C’est lui qui m’invitait, je me sentais déjà très honoré. A la fin de Taratata, il m’a proposé de faire ma première partie à la Cigale. Il voulait que ce soit une surprise, qu’on ne dise rien à personne, et il est venu faire ma première partie, et depuis on a écrit une chanson ensemble et on est monté sur la scène des Francofolies de la Rochelle ensemble parce qu’il a fait une création autour de ses duos. C’est quelqu’un que j’estime beaucoup artistiquement et humainement.

Dans Après Deuils, votre dernier album, vous avez réécrit des chansons avec le recul et l’expérience acquise en un an, à la suite de Deuils qui était paru en 2023. Qu’est ce qui a changé pour vous ?  

L’exercice de la réédition de l’album, c’est un exercice un peu particulier, on ne va pas réécrire un album. L’idée était de ressortir l’album avec quelques titres en plus qui racontent le chemin parcouru en un an, sur quels sujets on a avancé, sur quels sujets on piétine encore…. Et pour moi les sujets du deuil et l’envie de faire cette réédition, c’était à la fois de laisser partir sa peine, de s’en séparer derrière soi, et de définitivement fermer ce sujet-là. C’est important quand on laisse partir les gens de notre vie, c’est bien de laisser partir notre tristesse parce qu’il y a un gros risque que notre tristesse nous définisse. Et ça ce n’est jamais une bonne nouvelle ! Ça demande de la force et du courage, c’est plus facile à dire qu’à faire, c’est un travail au quotidien. La réédition permet de doucement entrevoir la suite, une sorte de trait d’union de mon premier album, qui était assez fort puisqu’il parlait de la disparition de mon grand-père, et la fin d’un amour très fort. Et pour moi c’est dur quand on sort son premier album, de se dire qu’on a mis un an et demi à l’écrire, mais qu’il a une durée de vie de six mois dans les médias parce que la promo s’éteint. Moi j’ai la chance de faire une tournée depuis deux ans, qui va continuer jusqu’à la fin de l’année prochaine, et c’est un bon prétexte pour dire que je suis encore traversé par Deuils, puisque je le chante tous les soirs sur scène. Mais j’ai envie de prendre une bonne distance avec, parce que je pense qu’au bout d’un moment, pour que ça devienne sain, notre deuil, notre tristesse, nos traumas, il faut arrêter de dormir avec, il faut les tenir à bonne distance, les regarder quand on a envie de les regarder parce qu’ils nous ont beaucoup apporté, et de se dire qu’en effet ces moments de chute libre, ces moments d’absence, ces moments de ruine, ont été quand même des zones constructibles. Après Deuils raconte cela : ce qui a pu être construit sur de l’absence et du vide.

Crédits photos : Christophe HARTER

Après Deuils commence avec un nouveau titre intitulé générique, vos chansons sont justement très cinématographiques et le 7ème art est une source d’inspiration pour vous. Quel est le dernier film que vous avez vu et qui vous a inspiré ?

Le dernier film que j’ai vu, c’est Vice Versa 2 ! Je trouve ça magnifique de parler des émotions et de les personnifier. C’est même plutôt elles qui nous dirigent que l’inverse. Mais sinon, concernant le dernier film qui m’a inspiré, je dirais que c’est le documentaire sur Daniel D. Lewis. C’est un grand acteur, et ce documentaire m’a bouleversé car il raconte à quel point une personne lutte contre l’omniprésence. C’est quelqu’un qui sort de l’ombre simplement pour aller tourner, puis il rentre chez lui, il va dans la nature, il reste avec ses proches, et il sort de chez lui uniquement pour aller au tournage. Il vit pour son art, et je trouve que ça nous remet un peu droit, car on a tendance à se disperser.

Vous allez faire l’Olympia l’année prochaine, mais surtout, grande question, après l’Après Deuil, il y a quoi ?

C’est la question que je me pose en ce moment pour écrire le prochain album. Tout doucement, je me mets dans des dispositions pour écrire ce qu’il se passe après l’Après Deuil. Est-ce que ce sont les lumières ? Est-ce que c’est l’amour ? Est-ce que c’est la consolation ? la guérison ? Je ne sais pas. Je suis en train de le vivre, donc ça se passe sous mes yeux en ce moment.

Retrouvez toutes les infos et l’actu de Martin Luminet sur https://www.bluelineproductions.info/concerts/martin-luminet

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Crédits photos : Christophe HARTER

 

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