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LPDLS : Jean-Pierre Michaël et Damien Boisseau, comédiens et VF échangent sur l’IA

Jean-Pierre Michaël et Damien Boisseau étaient présents au TGS Springbreak du mois de juin. Ils sont tous les deux comédiens de doublage : Jean-Pierre Michaël est connu pour être la voix française de Brad Pitt, Keanu Reeves, Karl Urban et Michael Fassbender. Damien Boisseau est celle de Matt Damon, Patrick Dempsey, Edward Norton ou encore Bradley Cooper à ses débuts. Nous les avons rencontrés pour l’occasion.

Comment êtes-vous devenus comédiens de doublage ?

J-P. M. Le doublage est une « branche » du métier de comédien. Donc moi, j’ai commencé comme comédien. Beaucoup de théâtre, la Comédie Française. Et un jour, on est venu me proposer de faire des essais de doublage de voix, que j’ai faits. Il n’y a eu étrangement aucun écho la première fois. Ensuite, on m’a rappelé pour un petit rôle et les choses se sont enchaînées à partir de là.

D.B. Moi j’ai démarré enfant. Alors c’est un peu particulier, mais j’ai commencé par tourner. A la suite d’une rencontre, d’une post-synchro (il faut parfois refaire les voix). On a rencontré des gens qui travaillaient dans le secteur du doublage (je dis on, parce que mes frères aussi tournaient). A l’époque, il y avait beaucoup de femmes qui faisaient des voix d’enfants mais il y avait très peu d’enfants qui faisaient du doublage. Et comme on devait être un peu doués, on a noté notre nom et c’est comme ça qu’on est entrés dans le milieu du doublage. Mes frères ont arrêté et moi j’ai continué.

J-P. M : Et tu n’as pas commencé avec rien, c’est toi qui avait fait E.T.

D.B. Oui E.T. c’est le premier gros film que j’ai fait en 1982.

Il y a des gens qui ne reconnaissent absolument pas les voix et il y a des gens qui tiltent immédiatement, juste sur un bonjour. – Jean-Pierre Michaël

Comment obtenez-vous vos rôles ?

J-P. M. Ça dépend, pour les rôles qu’on fait régulièrement : Matt Damon, Brad Pitt et tout, on nous appelle, on n’a pas d’essai à passer. Mais quelques fois, sur des séries, des films, quelques fois on doit passer des essais. C’est-à-dire qu’un directeur artistique ou le client veut voir plusieurs comédiens. Il fait passer des essais et ensuite il choisit. Ou quelques fois on a la chance d’êtres pris directement parce qu’un directeur artistique veut que ce soit nous sur tel ou tel truc. Donc là personne ne l’embête et c’est royal.

D.B. C’est le directeur artistique, soit il fait son choix direct, soit il fait des essais parce que le client demande ou parce que lui il a envie. Ou alors, une fois qu’on devient des voix un peu attitrées, à priori, on nous appelle directement.

Quels rôles préférez-vous interpréter ?

J-P. M. Les rôles où y a ce que j’appellerais du « jeu ». C’est-à-dire des échanges, des émotions, des vrais rapports de sous-texte, de sous-entendus, d’émotion. Beaucoup plus que des choses premier degrés, action et autres.

D.B. Oui moi aussi, je suis d’accord avec Jean-Pierre. J’aime bien quand y a un vrai jeu et de belles scènes à défendre, c’est très agréable. Après, ce que j’aime dans ce métier, c’est justement d’aborder tous types de rôles, un peu différends. Dans le doublage, ce qui est assez amusant, c’est d’aborder des rôles que physiquement, on ne représente pas forcément. On ne nous prendrait pas pour le tourner parce qu’on ne dégage pas ça physiquement mais par contre on peut le doubler. C’est assez amusant, voilà.

Le public qui vous rencontre reconnait-il votre voix ?

J-P. M. Alors ça, c’est vraiment une sensibilité extrêmement personnelle. Il y a des gens qui ne reconnaissent absolument pas les voix et il y a des gens qui tiltent immédiatement, juste sur un bonjour.

D.B. Alors, moi ça ne m’arrive pas souvent, par contre ça m’arrive en sortie de scène. C’est-à-dire que quand je joue au théâtre, ça arrive qu’à la fin, des gens m’attendent et me disent « mais vous, on connait votre voix ». On lieu de regarder la pièce, ils ont dû se dire « mais on connait cette voix, c’est quelqu’un qui fait du doublage » [rires]. Et ils me reconnaissent plus facilement sur scène que dans la vraie vie.

Comment entrez-vous dans la peau de vos personnages ?

J-P. M. On a un acteur qui joue, on essaye de reproduire ce jeu avec nous ce qu’on sait faire et d’être le plus proche possible de cette version-là, de ce qu’ils sont en train de faire. Et en général, ça passe tout seul, il n’y a rien de spécial à faire après.

D.B. C’est ça tout le travail du comédien, c’est de ressentir ce qu’il se joue et à notre tour, de le transmettre au public français, en le rejouant et en faisant en sorte qu’on ait l’impression que c’est lui qui parle en français.

Avez-vous rencontré les acteurs que vous doublez ?

J-P. M. J’en ai rencontré un de loin [rires]. Il y avait Brad Pitt à l’avant-première de Babylone où il m’avait gentiment invité. Tout le monde et tous les fans lui serraient la pince. Et moi j’étais là, je l’ai vu se servir une petite coupe de champagne.

D.B. Ce n’est pas possible s’ils n’organisent pas de rencontre. Pour moi, Patrick Dempsey c’était parce qu’ils avaient organisé une petite rencontre. Sinon ça n’est pas possible.

D’autres projets à venir ?

J-P. M. Moi je joue à Avignon cet été au théâtre des Gémeaux. Avec plusieurs camarades : Davy Sardou, Muriel Combeau, Benjamin Boyer, Stéphanie Hédin. Une mise en scène par Christophe Lidon et qu’on reprendra à l’automne.

D.B. Moi j’ai joué une pièce en décembre avec Chloé Frojet, qu’on ne connait pas dans le milieu de la voix et avec Michel Papineschi qui est un acteur qui fait du doublage. On l’a fait à Avignon il y a deux ans puis on l’a rejouée après. On m’a appelé là, il n’y a pas longtemps pour un projet à la rentrée mais on va voir.

Et en doublage ?

J-P.M. Alors moi je fais à nouveau Brad Pitt, avec Georges Clooney. Il y a la bande-annonce qui vient de sortir. Un film assez intimiste parce que ce n’est pas un gros blockbuster. Et c’est juste à mon avis un plaisir de copains où ils se sont retrouvés dessus à le tourner pendant un mois ou deux, qui s’appelle Wolf. Et ça, on l’enregistre à la fin du mois, juste avant d’aller à Avignon.

D.B. Moi je viens de doubler un film avec Matt Damon. Un film de Ben Affleck si je ne me trompe pas. Avec son frère et donc je crois que c’est lui qui le réalise ou qui le produit, j’ai un doute là d’un seul coup. Mais c’est pour une plateforme, ça va sortir sur Apple, si je ne dis pas de bêtise.

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Des conférences et initiations au doublage ont été proposées au TGS Springbreak – Crédit : Emma Lorsery / LGR Média

Un mot sur la pétition contre l’IA dans le doublage ?

D.B. Je pense que l’important c’est que le public soit au courant et qu’il se manifeste parce que ça ne leur plaît pas, c’est important. Le public c’est le « client ».

J-P. M. A savoir qu’en France on a déjà une industrie particulière mais à savoir aussi que nos films français, quand ils sont envoyés aux Etats-Unis ou en Angleterre, ils sont déjà doublés par des IA, ça commence à se faire. Parce qu’ils n’ont pas cette culture-là, de qualité du doublage.

D.B. Les acteurs français pourraient signer « je ne veux pas que l’IA me double », c’est quand-même incroyable.

J-P.M. Je suis d’accord. Et je ne suis même pas sûr qu’ils soient au courant de ce genre de choses. Parce que j’en connais certains qui disent « c’est quoi cette m*rde, je joue n’importe comment, c’est plat, ça n’a plus aucun sens » Ca va faire des progrès, c’est ça le problème, ça va monter en puissance et ça va être compliqué de se battre contre ça.

D.B. Ca va être difficile, mais c’est vraiment important que le public le sache en tout cas.

NDLR : Une pétition #TouchePasMaVF à l’initiative de nombreux comédiens de doublage a été lancée il y a quelques semaines.

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