Interview d’Emmanuel Moire pour la sortie du single “Sois un homme”
Son retour était très attendu par ses fans de la première heure et c’est désormais une réalité. Emmanuel Moire présente son single ” Sois un homme” (tout un programme !) pour nous faire patienter en attendant l’album. L’occasion était donc belle pour Laure, nouvelle venue chez WebToulousain, de partir à la rencontre de l’artiste dans une interview au long cours où musique et chemins de vie se sont joyeusement mêlés.
Bonjour Emmanuel, quelle est la symbolique derrière le choix de cette photo d’enfance pour illustrer le single ?
Bonjour Laure, et bien c’est un titre qui parle de la construction masculine mais en réalité, c’est mon manager qui m’a fait cette proposition. C’est une photo prise par mon papa quand j’avais cinq ans, et c’était approprié par rapport au thème de la chanson car quand on a cinq ans tout reste à faire, tout est a construire… Mais au delà du propos, le fait de me voir sur cette photo à cinq ans et puis de voir l’homme que je suis devenu, il y avait aussi de la fierté sûrement, quand je regarde cette photo je trouve que j’ai le même regard aujourd’hui que quand j’étais petit, oui c’est vraiment une fierté, au delà de tout le parcours auquel j’ai été confronté, je ne parle pas seulement en tant qu’artiste, mais
en tant qu’homme surtout, je suis resté le même dans l’ensemble, même si quand j’étais petit il y avait tout à faire, mais il y a quelque chose dans ce regard qui me semble tellement familier, que c’était déjà touchant pour moi et je me suis dis que c’était vraiment une bonne idée de choisir cette photo.
Ce n’est pas toujours évident de se reconnaitre dans l’enfant que l’on a été. C’est surtout dans le regard, j’ai l’impression que je ne l’ai pas oublié ce regard d’enfant et cet espèce d’émerveillement, cette part d’innocence, de jeu, de malice, et de joie qui est toujours là.
Ce petit garçon évoque une fierté par rapport à l’adulte qu’il est devenu ?
Le petit garçon est toujours là, j’aime faire un peu le con… Mais je suis un bon équilibre, je suis un adulte responsable et raisonné, mais une part reste de la candeur et de la fraicheur, et que la partie enfant en moi n’a pas été tant que ca altérée, et c’est précieux cette espèce de vie en
collocation qu’il y a entre l’adulte et l’enfant en moi. En tant qu’artiste j’ai une façon de voir les choses telles quelles sont ; et non pas avec nos filtres d’adultes, nos raisonnements, notre pensée, qui parfois nous parasite, sur la manière dont on voit les choses et les gens, et j’ai toujours une partie de moi qui a un rapport spontané à la vie, pas trop réfléchi, assez brut et assez nature.
Le fait de cultiver cet émerveillement en tant qu’artiste entretien cette part d’enfance ?
Oui car c’est la source, j’en étais pas forcément conscient à cet âge mais j’en avais envie j’étais émerveillé par le spectacle, le fait de raconter des histoires, et par l’art en général. Donc c’est vrai que je suis content aujourd’hui d’être toujours connecté à cette source là. Alors peut être qu’il y a des années, j’ai du l’oublier parfois en fonction de la réalité et de la difficulté de la vie et quand on est angoissé, on est trop dans le raisonnement, on oublie cette part de jeu et de spontanéité. Quand on est stressé on se conduit trop durement en tant qu’adulte. Donc quand je suis trop sérieux j’essaie de rire de moi et de me dire que ca va, de me reconnecter à la joie. Il y a cela aussi dans l’enfance. Et je suis content aujourd’hui de réaliser que ces deux facettes de ma personnalité sont en équilibre.
C’est le message véhiculé dans le single “Sois un Homme” il y a cette volonté de résistance face aux injonctions et à la pression.
Cette résistance est venue plus tard, j’ai passé des années à suivre des injonctions, et même des fois ce n’est pas si clair que ca, ce sont des regards, des moqueries, des rires, et ca ne t’aide pas, des choses qui font que tu n’es jamais assez, que tu as l’impression que tu ne devrais pas exprimer, que tu devrais plutôt les cacher, en fait rien n’est fait pour simplement t’inviter à assumer qui tu es, ce que tu ressens et à l’exprimer surtout, je trouve qu’on ne nous apprend pas à parler à l’endroit du coeur, j’adore cette phrase ! Parler à l’endroit du coeur. Par ce que je pense que c’est précieux de savoir exprimer ce qu’on ressent, de poser des mots sur nos émotions, et ce n’est pas quelque chose qui est commun je trouve, et donc pendant des années j’ai plutôt freiné tout ça, et à l’intérieur c’était une espèce de chaos, de problématique, de déchirement et de dilemme entre qui j’étais et ce qu’on attendait de moi, là où on voulait m’amener. On est tous confrontés à ça, peu importe qu’on soit un homme ou une femme, je pense que c’est vraiment quelque chose de général. Alors évidemment le titre parle de cette identité masculine qui, il faut être honnête, est très nocive, puisque rien ne nous invite à être nous même, on est dans un carcan ou un costume obsolète qui nous attribue comme chez les femmes, une partie émotionnelle. Alors que les émotions, c’est tout simplement une intelligence, en fait tout simplement, ressentir et se laisser traverser par nos émotions, elles nous disent quelque chose, c’est vraiment de l’intelligence
émotionnelle, et je trouve qu’on le met complètement de coté. Surtout chez les hommes! Alors que pour moi c’est exactement là ou on peut être forts et puissants, en assumant la globalité de notre personne, et je le revendique à fond aujourd’hui. Donc la résistance c’est exactement ca, la chanson existe aujourd’hui pour dire : je vous rend ce paquet et j’affirme ma sensibilité, ma vulnérabilité, mes doutes, mes questionnements et en même temps ma force et ma ténacité, et c’est un mélange.
On parle beaucoup de travailler sur soi aujourd’hui, cela a pu faire l’objet d’un travail ou c’est simplement du lâcher prise ?
Il y a plusieurs choses. Cette intelligence émotionnelle je pense que je l’ai toujours eue, c’est comme ça que je reçois les autres et le monde. Je ne perçois pas les choses par le cerveau mais par le coeur. Je ressens les choses avant de les voir. Ensuite j’ai été chanceux d’entrer dans le
monde artistique car c’est ma matière première, en tant qu’acteur, interprète ou créateur, c’est avec ça que je travaille. Donc mon travail m’a aidé a apprivoiser tout ça, et à ce que ce soit ok. C’est pas forcément le cas pour tout le monde. En parallèle, j’ai énormément travaillé sur moi, j’ai fais une thérapie, pour me connaitre et me débarrasser de plein de choses qui ne m’appartenaient pas, pour faire un peu le ménage. Mais aussi pour identifier quel homme je suis, ma nature, ce qui me touche, ce qui me fait de la peine, quels sont mes besoins, mes envies, pour être au clair. Aujourd’hui, j’ai vraiment l’impression que tout est à peu près à sa place. C’est assez aligné. C’est surement pour ça que je prend la parole sur ce sujet.
Le processus de création part toujours de sujet qui parlent au coeur ?
Le processus est toujours le même, ça n’a pas changé, c’est d’abord ma vie d’homme qui donne le tempo de ce que je crée. Quand je fais un disque je me raconte moi, je raconte ce qui me touche qui me traverse, ce qui me semble important de partager. Puisqu’on m’écoute, j’estime avoir le devoir de dire des choses qui ont du sens, sinon j’ai l’impression que je ne suis pas chez moi ! Haha ! Mais pour résumer, il y a une acceptation et affirmation apaisée, ce n’est pas un single coup de poing, c’est un cri du coeur de relâchement, d’arrêter de courir après la performance, la course pour être la meilleure version de soi-même, tout ça c’est cérébral mais à un moment il faut vivre en fait, et ça passe par le corps. Sur la musique de Sois un Homme je voulais ce coté entêtant, dansant et libérateur. La musique que l’on a choisie donne elle même envie de se libérer.
Je pense que ce sera tout le fil conducteur dans le disque. Cette invitation à vivre et assumer qui l’on est dans sa globalité. La part d’ombre et de lumière, le chaos, les choses qu’on ne sait pas, les choses qu’on ne gère pas, et pas gommer cela. Je trouve qu’on attribue aux émotions quelque chose de positif ou négatif. On se dit par exemple la colère, c’est négatif mais en fait elle te montre juste que tu n’es pas d’accord avec une situation et qu’il faut le changer, et je trouve que c’est très positif en fait de ressentir cela. Les émotions me guident. La tristesse c’est pareil, elle dit que quelque chose se termine, et c’est normal que je pleure ca veut dire que ça avait de l’importance, c’est un vrai chagrin mais parce que le temps est venu de dire au revoir à quelque chose, à une situation, à quelqu’un, à un statut. Et moi je trouve ca précieux.
Merci beaucoup pour tous ces échanges.
On doit s’attendre à quoi après ce single ?
L’album est prévu à la fin de l’année, et la tournée pour fin 2025. Il va falloir patienter, cela prend toujours un peu de temps à se constituer…
Merci Emmanuel Moire.
Merci à vous.
Entretien réalisé par Laure.